29.04—21.05.2017
Sur une proposition de DOC
«So Leggère» est la première exposition personnelle de l’artiste Francesco Cagnin à Paris. Il présente une installation pensée et réalisée pour DOC et guide la déambulation du spectateur dans différents sens de lecture, poétiques et spatiales.
Francesco Cagnin (né en 1988 en Italie), vit et travaille à Zurich.
« Quand j’aborde cette page blanche, le premier tour du vote à l’élection présidentielle française n’a pas encore eu lieu. Je m’excuse si aujourd’hui mes mots ne peuvent pas contribuer comme il se doit au débat sur l’incertain futur de vôtre pays, laissant cette incertitude comme un ours que personne n’a remarqué.
Quand Francesco m’a parlé de l’installation qu’il était en train de développer pour son exposition, il utilisa la métaphore d’un « repas léger ». Les mots sont plus légers que les objets et les mots flottants sont plus légers que les affirmations. Est-ce par conséquent une exposition qui ne pose aucune affirmation ? Je veux dire, est-ce même possible de concevoir une telle exposition, une exposition qui n’affirme rien ? Vous dites : « Il est si cérébral » parce qu’en fin de compte, tout ceci est cryptique. Vous dites « Il est si anal » parce que tout est si direct. Vous dites « Il est si fade ». Pourtant, Francesco est léger, il tisse des mots dans des cordes, leur donnant une substance et une fonction, sans pour autant avoir recours à leur signification.
On pourrait dire que c’est de la poésie concrète. Je dis : oubliez les questions pragmatiques, oubliez la syntaxe, oubliez la sémantique. Lisez, mais parce que qu’en lisant vous bougez. « Puis Joanna compris soudainement que la plus grande beauté était à trouver dans la succession, que le mouvement expliquait la forme – c’était si bouleversant et pur de pleurer : le mouvement explique la forme ! – et la douleur était aussi présente dans la succession parce que le corps était plus lent que le mouvement de l’ininterrompue continuité ». Je cite ces mots d’un roman que je suis en train de lire. Je le lisais aujourd’hui dans le bus, debout, stable hiératiquement. L’équilibre est l’habilité dont vous avez besoin pour vous opposer à l’incertitude. « Trouver la juste mesure » disent-ils quand vous mettez en péril votre équilibre. Et puis vient le vertige, et puis vient la chute.
Cette exposition vous donne la chance de tester votre équilibre. Rentrez le ventre et marchez sur les cordes, marchez sur les mots. Vous êtes si léger, vous flottez presque. Aimez le vertige, n’ayez pas peur de tomber. N’ayez pas peur du tout. La nuit dernière j’ai regardé un documentaire à propos des manifestations étudiantes dans les années 70 en Italie. Une femme, une adorable camée, proférait: « Trop souvent les mots représentent un éloignement de l’estomac. Je veux récupérer mon ventre! Je veux le sentir ! Je veux le sentir parmi tous les autres ventres qui sont ici ! Je ne supporte plus le cerveau! Je n’en veux plus! » Francesco se soucie de son ventre, et aussi de vôtre ventre. C’est pourquoi il propose ce « light show ». »
Michele D’Aurizio
EN
« So Leggère » is the first solo show of Francesco Cagnin in Paris. He presents an installation thought and conceived for DOC and guides the spectator’s wandering in various reading’s way, poetics and spatial.
Francesco Cagnin (born 1988 in Italy) lives and works in Zurich.
« When I approach the white page the first round of vote for the French presidential election hasn’t taken place yet. I apologize if today my words cannot duly contribute to a conversation around the uncertain future of your county, leaving uncertainty to be an elephant in the room.
When Francesco told me about the installation he was developing for his exhibition, he used the metaphor of the “light lunch”. Words are lighter than objects, and floating words are lighter than statements. Is therefore his an exhibition that doesn’t make any statement? I mean, is it even possible to conceive an exhibition as such, an exhibition that doesn’t make statements? You say: “he’s so mental,” because at the end of the day this is cryptic. You say: “he’s so anal,” because everything is so straight and the brainchild of a technophile. You say: “he’s so dull.” Still Francesco is light, these bands being the ropes of a high-wire walker. He wove words into ropes, so to donate them substance, and a function, without resorting to their meaning.
One could say this is concrete poetry. I say: forget pragmatics, forget syntax, forget semantics. Read, but because while reading you move. “Then Joana suddenly understood that the utmost beauty was to be found in succession, that movement explained form—it was so high and pure to cry: movement explains form!—and pain was also to be found in succession because the body was slower than the movement of uninterrupted continuity.” I quote these words from the novel I am reading. I read them today on the bus, standing in balance, hieratically. Balance is the skill you need to oppose uncertainty. “Treading a fine line” they say when you endanger your balance. And so comes vertigo, and so comes the fall.
This exhibition gives you the chance to test your balance. So squeeze your belly and walk on the wires, walk on the words. You’re very light, you’re almost floating. Enjoy vertigo, don’t fear falling. Don’t fear at all. Last night I watched a documentary about students demonstrations in 1970s Italy. A woman, an adorable pothead, uttered: “Too often words represent a moving away from the belly. I want my belly back! I want to feel it! I want to feel it along with all the bellies that are here! I can’t stand brain anymore! I don’t want it anymore!” Francesco cares about his belly, and about your belly too. That’s why he put together a light show. »
Michele D’Aurizio